Cosmétique de l'ennemi

Publié le par L'humain dans le sac

Nous avons 16 ans quand Kurt Cobain se tire une balle dans la tête -on a forcément 16 ans pour ce genre d'événement. Nous avons 16 ans et j'entends quelqu'un dire "Bah, il va falloir que j'écoute autre chose, maintenant Nirvana ça va être trop connu..."

Il y a des gens comme ça, des gens dont les goût dépendent strictement de la renommée de l'artiste ; qui quand vous discutez de rock avec des amis se sentent l'obligation de mentionner au moins un groupe qu'ils sont les seuls à connaître. Des gens pour qui la qualité d'une oeuvre se mesure en proportion inverse de sa popularité : du moment que c'est connu, populaire, c'est forcément assez mauvais, ou plus écoutable par les gensses de goût. Logique que je peux comprendre de la part de radios qui se voudraient passeuses de talents inconnus mais qui m'échappe davantage chez les individus.

 

D'une manière similaire les romans d'Amélie Nothomb souffrent parfois de ce genre de critiques pédantes. Ils se vendent bien, donc ils ne sont pas très bons ; les critiquent en parlent, donc ils ne sont pas très bons. Il en sort un par an, ils sont tout petits donc... etc. Le pédant parle de tout, sauf de ce dont on lui parle.

 

Parlons d'un roman, donc, Cosmétique de l'ennemi.

Bougez pas, je vais chercher le Bailly. Non, les deux mariolles du fond, pas celui du limousin. Tsss.

 

(Saperlisambleu qu'il est lourd ce dico.)

 

Non pas pour chercher la définition de cosmétique (kosmètikos : ce qui est relatif au kosmos) à laquelle Amélie Nothomb pourvoit de fort belle manière dans ce roman, mais pour celle de kosmos, justement. Ce bougre de mot prend une colonne à lui tout seul... résumons. Il signifie d'abord ce qui est ordonné, le bel arrangement et par extension l'ordre de l'univers -et les Pythagoriciens s'en serviront pour désigner l'univers lui-même. En dernier lieu, la parure, l'ornement.

 

S'il y avait quoique ce fût de mesurable en littérature, le nothomb pourrait servir d'unité, de particule élémentaire (et puis ça sonne bien, "le nothomb", pour un truc du genre, non ?). Ses romans sont courts parce qu'il n'y a rien de trop, aucune espèce de bavardage : de la chair, du sang, des os, un souffle et pas une once de graisse superflue. Ni parure, ni ornement : non pas le degré zéro de la littérature mais au contraire son ramassage sur ce qu'elle a d'essentiel, raconter une histoire.

 

Hors de question que je vous dévoile l'argument de Cosmétique de l'ennemi, je vais donner le même conseil que me fit l'amie qui me l'a recommandé (et merci encore à elle, d'ailleurs) : lisez-le d'une traite. Il est de toute façon difficile de le lire autrement.

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