Alain Damasio, la Horde du Contrevent

Publié le par L'humain dans le sac

Ne pas critiquer un livre, en bien ou en mal, tant qu'on n'a pas fini de le lire : c'est une des quelques règles qui cadrent ma vie de lecteur.

Il y a après tout des romans qui m'ont semblé sans grand intérêt jusqu'au dernières phrases, qui les rendaient géniaux. Ou l'inverse. Ces romans qui me sont tombés des mains tant je m'emmerdais à les lire, ces romans dont divers accidents interrompent sans cesse la lecture, je vois mal quoi en dire, à part qu'une rencontre ne s'est pas faite.

 

Peut-être vous est-il déjà arrivé d'avoir envers quelqu'un un coup de foudre de détestation ? Une belle inimité, qui se joue au premier regard et que rien ne peut briser ? De telles rencontres sont rares, et il faut savoir les chérir. Il y a des romans qui m'horripilent tellement que je ressens le besoin moins de les jeter contre un mur que de les lire jusqu'à la lie, rien que pour pouvoir après dire à quel point je les ai trouvés nuls.

 

La Horde du Contrevent a été l'occasion d'une telle rencontre. Une lecture lente, longue, pénible, assez voisine en fait de ce que vivent les personnages, alimentée par ce double espoir : peut-être qu'au bout du chemin une fulgurance illuminera toute la longue route parcourue ? Mais, oh, faites plutôt que les derniers mots soient une occasion de quitter ce roman en colère et grinçant des dents...

 

L'histoire : le vent souffle en permanence, d'ouest en est. Les Hordes, l'une après l'autre et depuis 800 ans, remontent le vent pour tenter de trouver l'extrême amont, le point d'origine du vent. Le roman suit la progression de la 34ième Horde, racontée depuis les points de vue de ses différents membres.

 

Premier grincement de dents : les points de vue des hordiers ne commentcent pas par leur nom, mais par un petit signe (>, ]], ), x, (.), ^, une vingtaine en tout). C'est mignon, ça ne sert à peu près à rien dans l'économie du roman, c'est pénible. Autant, pour la poignée de points de vue qui prennent la parole le plus souvent, on les repère vite, autant pour les autres devoir chercher qui parle... C'est pénible.

 

Et il y a Caracole et Golgoth. Le troubadour et l'ennemi de Goldorak le traceur (le chef de la Horde, en gros) ; ils sont présentés comme deux être entiers, chacun à leur manière. La premier est une bouffée d'air frais ambulante et l'autre un roc. Mais quand ils parlent, ils donnent l'impression inverse : ils sentent la pose et un je ne sais quoi de vain. La Horde les admire, et moi pauvre lecteur j'aurais voulu leur apprendre la simplicité à coups de pelle.

 

Caracole et Golgoth ne sont que les deux symptômes récurrent d'un problème qui court sur tout le roman : l'impression qu'Alain Damasio se regarde écrire. Il a bien lu son Deleuze, son Nietzsche et son Montaigne, et d'autres, et manifestement il veut que ça se sache. Sous une forme raréfiée cela serait du style, en l'état c'est de l'enflure.

 

Quant à l'histoire, elle n'est guère que l'occasion de déployer une métaphysique du vent. Qui aurait pu m'intéresser si elle servait une évolution des personnages, une intrigue, n'importe quoi de romanesque : rien du tout. Mais j'en aurai appris beaucoup sur un monde qui ne me concerne pas.

 


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