La forge des âmes

Publié le par L'humain dans le sac

L'anecdote se passe il y a quelques années. Mon fils a deux ans ; je suis dans le salon avec un ami, en train de prendre le café. Nous discutons de choses, d'autres, tentons d'avoir une de ces conversations à haute teneur en neurones qui font la vanité et les plaisirs de la société.


Mon fils, lui, joue. Il fait rouler des voitures minuscules aux vitesses ahurissantes de l'imagination, vient me montrer deux morceaux de pâte à modeler collés ensemble, qu'il a décidé d'appeler Nemo, me demande de faire parler ses peluches.


"Il est cool, ton fils !"
Oui, il est cool, c'est un doux. Pas spécialement taillé à la mesure de la brutalité des choses et de certains êtres. Crainte que j'exprimai ainsi : "j'ai un peu peur qu'il s'en prenne plein la gueule."

Et l'ami, homme bon par ailleurs, de me dire :
"Ca lui forgera le caractère !"


La phrase est classique, certainement lancée avec les meilleurs intentions, mais je réalise en l'entendant ce qu'elle nous dit. Prendre du métal, le plonger dans le feu, le placer entre le marteau et l'enclume, le frapper, le plonger dans l'eau glacée, puis dans le feu à nouveau, le marteler encore, pour lui faire acquérir la forme voulue, la dureté, le poids, le tranchant voulu. 


Et remplacer, tout naturellement, au détour d'une expression toute faite, le métal par l'enfant. Le brûler, le frapper, le geler, et encore. Lui donner la forme, la dureté et le tranchant d'un bon outil. Un beau caractère brillant et métallique... C'est curieux, mais quand je pense "humanité", les premières qualités qui me viennent à l'esprit ne sont pas celles du métal ou d'un outil.


Celui qui tente de forger mon fils, je le passe au knout. Si j'ai bien compris le principe, il en sortira grandi.

Publié dans Impromptu

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